Vieil ami
Publié le 5 Septembre 2015
De retour à la maison, c’est avec beaucoup de plaisir j’ai repris l’entraînement seul. J’ai la chance d’avoir plusieurs iaïto pour travailler mais n’ayant pas pu m’exercer au iaï depuis presque deux mois, j’ai choisi de m’exercer avec le plus court, un sabre en acier non tranchant de 2,50 shaku que j’utilise depuis un peu plus d’un an.
Deux mois, presque une éternité. Je n’avais pourtant pas manqué d’exercice cet été avec le shochu geiko d’Herblay, le stage avec Kuroda sensei et celui de Brest avec Tanguy. Pourtant, je n’étais pas satisfait. C’est dans cet esprit que je pris en mains mon autre sabre, un dotanuki de 2,60 shaku. Inexplicablement, mon visage s’illumina et un sourire étira mes lèvres. J’avais retrouvé mon vieil ami. Une aisance dans le maniement et la sensation de joie d’avoir retrouvé un vieux compagnon d’exercice m’envahit. Plus long, plus lourd, mais nous étant mutuellement apprivoisés de longue date, rien ne pouvait remplacer ce lien tissé au fil des heures passées à nous exercer ensemble.
Mais comme un ami intime que vous connaissez depuis si longtemps connaît aussi les moindres de vos faiblesses, passées les effusions des retrouvailles, c’est presque avec sévérité qu’il semblait m’interroger sur cet abandon de plusieurs mois. Qu’avais-je bien pu faire pendant tout ce temps? Avais-je travaillé avec application? N’avais-je pas raté trop d’occasions de travailler même seul cet été, ne serait-ce qu’avec le bokken que j’avais à disposition? Quels progrès avais-je fait durant cette période? Qu’avais-je donc appris?
Mon coeur frémissait, je connaissais la réponse à toutes ces questions, et lui aussi. Une ombre au front, il était temps de répondre à l’interrogation muette que semblait me faire mon propre sabre et de montrer mon travail. Je reçu ses remontrances silencieuses sans ciller, observant mon travail tel qu’il était et les critiques pour ce qu’elles étaient, méritées.
Une fois l’orage passé et la leçon reçue, je pu me mettre à l’ouvrage avec l’application nécessaire retrouvée, reprenant les bases, lentement, sans penser à d’hypothétiques progrès à la clé, étudiant mes difficultés et les travaillant une à une.
Peut-être satisfait par mon attitude, nous travaillâmes de concert toute une soirée dans la solitude et l’isolement sans perdre plus de temps. La nuit tombée depuis longtemps, je rangeais mon sabre et remerciais mon maître pour son enseignement. Imperturbable, il n’avait pas bougé, il n’avait rien dit, mais j’avais compris ce que je devais faire.