Non-violence, imposture et véritable non-violence
Publié le 15 Janvier 2022
Avez-vous déjà rencontré quelqu’un de non-violent?
Je veux dire, sincèrement, profondément non-violent et capable d’en faire la démonstration?
Pour ma part, pas un seul.
Il existe probablement de telles personnes de nos jours mais il est peu probable que ceux qui se prévalent de cette qualité aient l’envergure et la hauteur de vue qu’implique une telle aspiration.
Cela va bien au-delà de gagner ou de perdre, d’être blessé ou de mourir car on peut tout à fait être vaincu et s’être battu jusqu’au dernier souffle, animé par un esprit indomptable.
Imposture des non-violents
Etre pour ou contre, c’est d’abord faire un choix.
Pour pouvoir faire un choix, il doit être possible d’emprunter toutes les voies possibles.
Êtes-vous donc capable de faire preuve de violence?
Si c’est le cas, vous pouvez ainsi faire le choix de ne pas faire usage de violence et de véritablement avoir une attitude non-violente.
Si vous n’êtes pas capable de faire preuve de violence, si vous n’êtes pas capable de prendre cette décision, vous ne pouvez pas faire de choix car vous n’avez pas d’alternative, vous êtes dans une voie à sens unique, prisonnier de votre incapacité à agir de façon autonome.
Vous n’êtes donc pas non-violent par choix mais par obligation, par cette nécessité extérieure qui s’impose à vous, en un mot: une victime.
C’est cacher derrière une façade de mots, une faiblesse: l’incapacité d’agir et s’y complaire en trouvant des justifications morales.
Une posture qui pousse à incriminer le monde alors que l’on échoue soi-même, à regarder ce que font les autres plutôt que de chercher à corriger ses propres lacunes.
Cette forme de faiblesse populaire par défaut de citoyens choyés vivant au sein de pays prospères, pacifiés et entourés de voisins qui leur ressemblent est un exemple de comportement passif-agressif, défiant sur le plan moral les personnes capables, responsables et indépendantes, vouant aux gémonies leur force de caractère alors qu’elles en sont elles-mêmes dépourvues.
Combien d’Ukrainiens ou de Sud-Coréens prônent-ils la non-violence actuellement?
Non-violence véritable
Être véritablement non-violent, c’est être capable d’employer l’outil de la violence et choisir de s’en abstenir lorsque l’occasion se présente.
Un exemple des plus parlants est peut-être Nelson Mandela. Il fut à la fois le flambeau du combat contre l’Apartheid et icône de la non-violence. Passé par tous les stades de la lutte: non-violente, légale, armée, et de nouveau non-violente, ses choix et ses actions n’ont pas été dictés par une vision idéalisée et étriquée du monde mais étaient ancrés dans le réel, adaptés au temps et aux circonstances qu’imposait la vie en Afrique du Sud à cette époque.
Ainsi, sans faiblesse, ni rigidité morale préalable qui aurait assujetti ses actions à un seul registre, il a délibérement su tracer sa route au milieu du chaos en sachant à quel moment il était devenu inutile de poursuivre sur la voie de la violence, comme sur celle de la non-violence.
C’était un homme juste qui ne fuyait pas les combats et dont les choix durant une vie de tourments ont pu orienter un pays tout entier vers un meilleur avenir.
La violence fait partie de la vie
La non-violence ne s’exprime aujourd’hui trop souvent que par le prisme de la négation des instincts primaires les plus profonds de l’être humain et l’aggressivité de ceux qui les critiquent. J’estime que c’est une vision étriquée et malsaine qui nous prive des moteurs qui ont permis la survie de l’espèce humaine jusqu’à aujourd’hui.
Vous n’avez pas qu’un seul légume dans votre réfrigérateur, vous n’avez pas qu’une seule touche sur votre piano, une seule couleur sur votre palette.
On ne meurt pas de voir la vie que d’une seule couleur ou de ne manger qu’un seul aliment mais on n’en vit pas non plus et il est fort probable que votre vie soit triste et que vous finissiez par en mourir.
Ainsi, vous ne pouvez pas apprécier la vie à sa juste valeur sans vivre toute la variété des émotions qui en font la saveur: amour, joie, tristesse, colère, peur…
La vie sans violence serait insipide et fade. Ôtez-en les rouges vifs et les jaunes flamboyants, le chaud, le froid et remplacez-les par du gris et du tiède.
Vous aurez la définition d’une existence terne et insipide, celle d’un mort-vivant.
Appréhender la violence
Reconnaître la part de violence qui est en chacun de nous, lui permettre de s’exprimer en choisissant les formes et les circonstances, se dompter soi-même en quelque sorte, me semble bien plus utile et constructif que de nier cette vitalité qui, canalisée, permet de surmonter les multiples défis que la vie nous offre aussi bien au quotidien que dans des situations exceptionnelles.
Les arts martiaux sont pour cela un outil formidable qui permettent de se réapproprier notre vitalité en se re-familiarisant avec les aspects âpres, violents mais tellement vivifiants de la vie dont le confort et la modernité culturelle nous ont tenus bien trop éloignés.
Regarder en face ce qui nous fait peur, se sentir vivre et appréhender la violence pour l’apprivoiser.
La pratique des arts martiaux vous permet non seulement tout cela mais aussi et surtout de développer votre capacité à faire un choix, celui de faire usage ou non de la violence quand cela devient nécessaire, celui d’être capable de prendre en main votre destin.
Et pourquoi pas alors, pour cela, ne pas choisir de pousser la porte d’un dojo?
http://www.isseitamaki.com/article-nelson-mandela-111797770.html
http://www.isseitamaki.com/article-quelques-mots-eparpilles-de-nelson-mandela-121468224.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Homme_de_Tian%27anmen
https://fr.wikipedia.org/wiki/Kenshin_le_vagabond
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vice-versa_(film,_2015)