Hier

Publié le 31 Décembre 2010

Hier, nous avons reçu la visite d’un élève, de notre plus ancien élève. Comme toujours quand quelqu’un nous rend visite, je suis partagé entre poursuivre le cours et passer du temps avec le visiteur. Hier pourtant, je suis parti poursuivre le cours parce que je ne savais plus quoi dire à notre visiteur. Ces dernières années, il n’avait plus les capacités physiques de chuter, mais il n’était pas et de loin celui qui faisait le moins d’efforts pour travailler. Et bien entendu, il n’était pas non plus celui qui faisait le moins de progrès. Mais pour cela, il fallait être attentif et travailler avec lui. Alors bien sûr, loin de faire des séries de chutes spectaculaires et travailler avec condescendance avec des débutants, il travaillait du mieux qu’il pouvait avec tout son cœur peu importe le partenaire avec lequel il tombait. Mais ses partenaires étaient parfois loin de lui rendre la pareille. Impatients de chuter et de faire chuter, ils prenaient leur mal en patience en pensant tout au fond d’eux même qu’ils auraient préféré être avec tel ou tel porteur de hakama qui leur en aurait mis plein la face mais qui leur aurait permis d’apprendre beaucoup, enfin, de travailler quoi. Heureusement, ce n’était pas la majorité des élèves. Bien sûr, il n’était pas le pratiquant le plus flamboyant et loin de là, mais enfin, sans parler de leur comportement inapproprié, leur manque de sensibilité ne leur permettait pas d’apprendre quoi que ce soit en travaillant avec lui, à commencer par l’humilité, l’assiduité et le goût de l’effort. Aujourd’hui, il ne peut plus pratiquer. Hier, j’étais surtout admiratif de le voir venir au cours. Maintenant, je sais ce que cela représentait pour lui de venir au dojo. Cela représentait probablement plus encore pour lui que pour moi. Et je suis resté sans voix, alors je suis parti poursuivre le cours. Maître Tamura, lorsqu’il a été hospitalisé, la première question qu’il a posée aux médecins était de savoir quand il pourrait remonter sur un tatami. Notre visiteur est ensuite parti discrètement après avoir salué un autre ancien arrivé après le début du cours. 

 

Je crois que lorsqu’on a la chance de pouvoir aller au dojo, bien sur il faut y aller. Mais surtout, surtout, ne pas perdre son temps lorsque l’on s’y trouve, c'est-à-dire travailler, chercher, avec cœur et sincérité. Pas pour s’asseoir et voir un film d’Aïkido qui dure une heure et demie. Dans ce cas-là, mieux vaut laisser la place à tous ceux pour lesquels cela représente réellement  quelque chose de venir s’entrainer. 

 

Comme chaque année, j’essaie de prendre le temps d’écrire un petit mot après avoir réfléchi plus ou moins longtemps sur l’année passée. C’est quand j’ai besoin de réfléchir le plus que je m’aperçois que je n’avais rien à dire. Rien d’intéressant en tous cas. C’est d’ailleurs sans doute le problème, vouloir paraître intéressant. Alors je crois que dans ces cas-là, il vaut mieux s’arrêter et dire des choses inintéressantes mais que l’on a envie de dire. J’avais envie de vous parler de notre visiteur.

 

Mais je voulais aussi vous remercier tous d’être là chaque cours, car un dojo ce n’est pas simplement un endroit mais ce sont les gens qui le font vivre qui donnent une âme à l’endroit où ils s’entrainent. Pas d’élève sans professeur, pas de professeur sans élève. Moi j’essaie de vous enseigner ma technique mais c’est le dojo qui nous enseigne à tous comment nous comporter et agir avec justesse. Merci à vous tous qui venez travailler avec enthousiasme et qui donnez à ce dojo cette âme si chaleureuse. Si vous n’aviez pas été aussi chaleureux, notre visiteur ne serait pas resté toutes ces années et il ne serait pas non plus venu nous voir et nous saluer hier soir.

 

Bonne année à tous!

 

Rédigé par Issei Tamaki

Publié dans #Archives

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