L'eau
Publié le 13 Janvier 2014
Il y a bientôt deux ans, j’ai reçu en cadeau un purificateur d’eau pour mon évier. N’en voyant pas réellement l’utilité et vu mes talents de bricoleur, j’ai attendu quelques mois avant de demander de l’aide pour son installation. Finalement, l’eau était réellement meilleure et je me suis fait à son usage.
Et ce qui devait arriver arriva, ce fut la panne. Fuite, démontage maladroit ou incompétence, puis casse. J’avais toujours l’eau courante dans ma maison mais plus l’usage de mon robinet d’eau purifiée. Pas si grave à l’arrivée, je n’avais perdu qu’une après-midi entière. Je me suis servi un verre d’eau que je n’ai pas pu finir. Probablement pas nocif mais ni le café, ni le thé n’étaient plus buvables avec cette eau courante.
Je me suis mis à acheter de l’eau dans le commerce. Un pack de six bouteilles, puis la pièce de rechange mettant du temps à venir, des bonbonnes de 5 et 8 litres. Sans compter le fait que faire ses courses peut en soi être pénible, transporter entre 10 et 16 kg supplémentaires augmente la pénibilité de façon très claire.
Au delà du prix et de l’effort, cela m’a permis de prendre conscience d’un tas de choses que le robinet avec lequel je suis né ne m’avait jamais autorisé à prendre en considération.
D’abord ma propre consommation d’eau. C’est comme quand on habite au 6ème étage sans ascenseur: on oublie pas d’acheter le pain et on ne vide pas l’eau de la bouilloire utilisée la veille, parce que c’est de l’eau potable. Et l’eau potable c’est un trésor.
Je ne bois ni l’eau du bain ni l’eau de la douche. Mais ce plaisir corporel que j’apprécie beaucoup comme tant de japonais, je l’apprécie d’autant plus que j’en comprends un peu plus la valeur et en fais maintenant un usage modéré. Je me lave chaque jour mais j’évite de me délasser plus d’une fois par semaine dans de l’eau que l’on peut boire.
L’eau, on est content d’en avoir à disposition, pour laver, se laver et si elle est potable, pour boire et pour manger. On est contents de ne pas avoir à descendre jusqu’à la rivière pour faire sa lessive ou boire un verre d’eau avant de se coucher. On est contents d’avoir mis un couvercle scellé sur le puit, ça évite qu’un citadin trop curieux n’y fasse tomber son portable et glisse dedans en essayant de le rattraper. Qui voudrait y boire ensuite une fois répandue à l’intérieur toute la crasse des villes?
On est contents de vivre dans un pays où la soif ne tue pas mais dans lequel c’est tristement l’excès de boisson qui est mortel.
Ce n’est pas la même chose de se poser la question de savoir ce que l’on va boire ou de savoir si l’on va boire tout court.
Il ne faut pas la gâcher. Il y a suffisamment d’imbéciles qui la polluent bêtement pour que les gens intelligents ne la gaspillent pas. Alors parfois, je me demande si de l’eau si précieuse, ce n’est pas un luxe de se laver avec ou de s’en servir pour les toilettes. Je suis un citadin d’un pays développé, un consommateur dispendieux depuis ma naissance et pas suffisamment écolo pour chercher des solutions. Mais suffisamment intelligent pour savoir que c’est une question qui mérite d’être posée et ce, avant d’avoir dépassé la trentaine.