Franchir le seuil
Publié le 10 Octobre 2021
Franchir le seuil
A l’heure ou le nombre de pratiquants s’amenuise, il est rare aujourd’hui de refuser à quelqu’un l’entrée d’un dojo.
Pourtant, il y a quelques décénies à peine, il fallait faire ses preuves ou être introduit par quelqu’un avant de pouvoir ne serait-ce que franchir le seuil d’une école d’arts martiaux.
Les temps ont changé et du statut de secrets militaires garants de la survie d’un clan, ils sont passés à celui d’une pratique ouverte et largement diffusée auprès du grand public.
Pour ma part, je prends le parti de recevoir toute personne désireuse de découvrir la discipline et si je me réserve le droit de choisir qui je reçois dans mon dojo, je n’ai généralement pas à faire le tri car les personnes auxquelles ma pratique et/ou ma façon d’enseigner ne conviennent pas, prennent elles-mêmes la décision de ne pas rester.
J’ai pourtant dû me résoudre il y a quelques jours à ne pas accepter un élève désireux d’étudier en raison de son attitude.
Tout enseignement est définitif
Les arts martiaux sont différents des sports classiques comme le basketball ou la gymnastique auquel cas, leur pratique reste sans danger la plupart du temps.
Ce n’est pas le cas des arts martiaux.
Les arts martiaux aussi complets et porteurs de bienfaits qu’ils soient, restent potentiellement dangereux quand ils sont mal employés.
Cela peut se traduire ainsi: chaque mouvement enseigné peut être assimilé à une nouvelle arme que l’on transmettrait à quelqu’un mais de qui elle serait impossible à retirer par la suite.
C’est pourquoi le choix des élèves auxquels ils peuvent être enseignés est d’autant plus important.
Parce que la bonne volonté ne suffit pas
Je n’ai aucune exigence physique ou technique préalable avant d’accepter d’enseigner à quelqu’un.
En revanche, chacun sait que les mouvements étudiés sont réservés au dojo ou à l’usage en cas de nécessité et non un jeu brutal à faire subir sans contrôle à des non-pratiquants.
Si l’on doit expressément formuler chaque autorisation et interdit à quelqu’un, cela signifie que cette personne ne sait pas elle-même faire la différence entre ce qui est approprié ou pas et qu’elle pourrait, comme j’ai pu le voir, devenir dangereuse pour les autres malgré elle.
En d’autres termes, quelqu'un qui ne se soucie pas d’autrui ou n’a pas conscience des dommages qu’il pourrait causer ne devrait pas être rendu potentiellement plus dangereux en étant instruit dans l’art du combat.
Voir plus loin
Un bon enseignant se doit d’amener ses élèves à avancer par eux-mêmes et progresser sur le chemin de l’autonomie tant physiquement que mentalement.
Il doit également être capable de voir au-delà de la personne telle qu’elle se trouve aujourd’hui, voir son potentiel et aussi ce que l’enseignement de l’Aïkido pourrait amener comme changement chez celle-ci, ou pas.
Ne souhaitant pas me sentir responsable des problèmes qui ne manqueraient pas d’arriver si ce candidat, dont le bon sens reste encore à prouver, devait utiliser ce qu’il aurait appris dans mon dojo de façon inappropriée, j’ai décidé de ne pas l’accepter parmi mes élèves.
Après lui avoir clairement expliqué ma décision, je lui ai finalement conseillé d’autres activités inoffensives, adaptées à son comportement et qui lui permettront sans aucun doute de s’épanouir sainement malgré les efforts qu’il lui reste à accomplir.
Tracer sa route
Je n’ai aucune certitude d’être parvenu à transmettre un seul élément qu’il aurait pu percevoir comme positif ou constructif.
Si cela est en définive sans importance car chacun trace son propre chemin, prend des décisions éclairées ou non par les circonstances, le hasard ou le discernement, j’aurai fait mon possible.
Cette situation n’a pas été plaisante et je souhaite à chacun, pratiquant ou non, d’avoir les fondations humaines qui permettent de développer et d’entretenir la confiance entre individus.
C’est pour moi la condition sine qua non qui permet de faire preuve de responsabilité tant dans ses actes que dans ses paroles et de devenir porteur d’un outil permettant d’agir efficacement sur le réel tel que l’Aïkido.
Bon vent, l’ami.