Chutes, stages et communication non verbale…
Publié le 1 Juillet 2012
Lorsque j’ai commencé l’Aïkido, je détestais les chutes. Et le Jô aussi. Et puis le suwari waza. Une des seules choses qui me plaisait vraiment, c’était le travail au Ken. Le travail en tachi waza me laissait plutôt indifférent mais les chutes étaient pour moi une vraie plaie, subie et vécue comme un passage obligé et les séries longues de chutes un véritable calvaire. Je ne crois pas d’ailleurs avoir jamais fait de série de plus de 500 chutes. Ce dont je suis sûr en revanche, c’est d’avoir arrêté de faire de longues séries bien avant d’avoir pris goût à celles-ci.
Et puis j’ai commencé à participer à des stages. Avec Toshiro Suga d’abord et Tamura Nobuyoshi très vite. Comme pour à peu près tout dans ma jeunesse, j’avais suivi Léo qui défrichait toujours un peu et me faisait profiter du meilleur.
Alors quand on est jeune et qu’on ne mesure pas 1,90 m et 100 kg, avec ou sans hakama, on ne pouvait pas réussir une technique avec un des habitués de stage. Vous savez, ceux qui viennent depuis déjà des lustres et qui vont montrer au petit nouveau qu’il ne sera jamais aussi bon qu’eux, les réguliers qui ont compris. Enfin, j’avais la chance de ne pas être une femme, c’était déjà ça. Sans la force nécessaire pour les plier en deux malgré eux, je passais de très pénibles moments avant de retrouver des partenaires que je connaissais et qui n’étaient pas aussi stupides. Mais enfin, plus les stages se multipliaient, plus ces situations pénibles me devenaient insupportables.
Alors au fur et à mesure, je me suis mis à étudier mes chutes puisque mes techniques, je ne pouvais pas les améliorer avec ces gens-là. Si je n’avais pas de force, j’avais de la souplesse et la santé pour moi. J’ai commencé par rendre leurs techniques moins pénibles à supporter, comprendre que le relâchement permettait de recevoir des immobilisations sans douleur et leurs projections aussi. Ensuite avec les plus mauvais, je me contentais de chuter plus vite qu’ils ne pouvaient faire les techniques et de les essouffler en chutant. Je n’avais plus besoin de leur parler ou même de les écouter me donner des conseils. Cela marchait d’autant mieux avec les vieux idiots que l’on ne pouvait pas frapper par inadvertance compte tenu du respect dû à leur âge.
J’avais encore l’insouciance de ceux qui ne connaissent personne et qui n’en ont rien à cirer mais je savais déjà qu’utiliser la force en Aïkido était stupide.
Je me souviens d’un stage en particulier, un stage de Maître Tamura durant lequel j’ai failli perdre mon sang-froid malgré mon tempérament plutôt calme.
Après le cours du matin, nous nous retrouvons après nous être changés et avoir pris une douche. Je ne me souviens plus ni de l’endroit, ni des personnes avec lesquelles nous étions venus à ce stage mais je me souviens que nous échangions avec nos camarades sur le cours du matin, les personnes avec lesquelles nous avions pratiqué, etc avant de rejoindre notre voiture. Et puis, Léo me demanda comment s’était passée ma matinée. Je lui répondis alors assez grossièrement que j’avais bossé avec un gros c… qui m’avait soûlé. Je répondis ensuite que je ne savais pas qui c’était mais que le prénom écrit sur son hakama était XXX, qu’il avait les cheveux gris et que j’avais faillis lui mettre mon poing dans la g… tellement il m’avait énervé.
Hilare, Léo écouta ensuite mes aventures de la matinée avec ce Monsieur. Il s’agissait de faire Ikkyo sur saisie du poignet ou sur Shomen Uchi, je ne me souviens plus. Ce qui était sûr, c’était que ce Monsieur ne voulait pas chuter. Mon Ikkyo n’était évidemment pas parfait mais enfin, on sent une nette différence entre quelqu’un qui ne chute pas parce que votre technique n’est pas juste ou quelqu’un qui refuse de chuter en résistant par la force. Alors fatigué par son cerveau débile, j’ai moi aussi cessé de chuter. Mais non pas en résistant stupidement, en profitant stupidement de ma souplesse qui ne permettait pas non plus ce Monsieur d’exécuter son Ikkyo. Evidement Monsieur a commencé à être exaspéré et a essayé par tous les moyens de me mettre au sol avec Ikkyo. Il n’a plus réussi une seule fois.
Moi, j’ai surtout réussi à me retenir de ne pas lui mettre mon poing dans la figure de toutes mes forces.
Finalement, j’appris que ce Monsieur était un CEN haut gradé et que j’avais évité le scandale de peu. Nous n’avions pas échangé un seul mot à l’époque et il ne se souvient probablement pas de cette anecdote, mais ma première impression de ce Monsieur n’a fait que se confirmer depuis notre première rencontre il y a 10 ans.