Créé le 11/04/08 16:25
Publié le 5 Mars 2014
Dans une tentative un peu désoeuvrée de trier mes archives mal rangées, je suis tombé sur un texte que j’avais écrit il y a 6 ans, en 2008. Vu la date à laquelle je l’avais écrit, j’allais le supprimer sans réfléchir mais par curiosité inconsciente, je l’ai machinalement ouvert afin de vérifier son contenu. Je n’ai aucun souvenir des raisons, des circonstances ou du moment qui m’ont poussé à l’écrire, vraisemblablement à destination des élèves d’Herblay.
Pourquoi est-il resté à l’état de brouillon, je n’en ai pas la moindre idée non plus. J’ai décidé de le partager tel quel, avec ses répétitions et ses majuscules inutiles sans en modifier un seul mot. Éclair de lucidité ou aspiration de jeunesse je ne sais pas, mais il fallait le sortir de la poussière.
L’Etiquette :
Vu de l’extérieur, ce qui caractérise peut-être le plus les Arts Martiaux Japonais à la différence de tous les autres, c’est le Salut, lui-même partie essentielle de l’Etiquette, élément fondamental de toute pratique traditionnelle Japonaise.
L’Etiquette était enseignée au même titre que toutes les disciplines nécessaires à l’accomplissement du samurai et parfois même, de manière extrêmement complexe à la cour, un détail pouvait vous conduire à la disgrâce voire, signifier la mort par suicide rituel. Bien entendu, il n’est plus aujourd’hui question d’une telle intensité d’investissement dans la pratique, et cela fait partie de l’évolution naturelle des choses. Il est tout simplement hors de propos de s’imaginer être capable de vivre selon les critères des temps féodaux et de même, de souhaiter un retour aux anciennes traditions.
Les traditions anciennes sont cependant riches d’enseignements profonds et à y regarder de près, bien des aspects du comportement des anciens et de leurs pratiques sont loin d’être devenus inutiles ou dépassés.
L’Etiquette. Un mot qui sonne comme une règle stricte et arbitraire, une discipline militaire qui semble n’être que le nom pompeux que l’on donne à l’ancrage dans l’esprit des soldats de l’obéissance pure et simple aux ordres de leurs supérieurs, voire une pierre supplémentaire de l’emprise subjective qu’ont certains professeurs à l’égard de leurs élèves afin d’assurer leur propre position. En tous cas, quelque chose d’aussi inutile que néfaste et qui aurait autant de raison d’être que le char à bœufs à l’ère du voyage spatial.
Si l’on dépasse les apparences et que l’on tente de voir plus loin, qu’à travers la pratique on cherche à percevoir la nature de celle-ci, alors on peut ressentir la pleine essence de ce qu’est l’Etiquette, à la fois sa raison d’être et son utilité, son sens et sa logique et enfin, sa nécessité.
L’Etiquette est l’art et la manière de savoir se comporter de façon appropriée en toutes circonstances, et ce, quelque soit le lieu, le temps, les personnes en présences et la situation de chacun.
Cela semble peut-être simple au premier abord et même on peut se demander au-delà de l’intérêt de savoir bien se conduire, si il fût jamais nécessaire d’ériger le fait d’être éduqué en tant que pilier de la tradition et si le fait d’écrire sur ce sujet est plus qu’une lubie de vieillard pointilleux.
Savoir bien se conduire c’est dire le mot juste au moment approprié et avoir le comportement adéquat quelques soient les contraintes extérieures. Savoir être pleinement soi-même, ni plus ni moins. Agir de sorte que toutes les personnes présentes soient respectées à leur juste valeur et ne se sentent ni l’une ni l’autre, ni humiliées ni flattées.
Pour agir, il faut d’abord pouvoir faire exactement ce que l’on souhaite faire. C’est-à-dire qu’avant de pouvoir être un élément en harmonie avec le monde qui l’entoure, il faut au préalable être en harmonie avec soi-même c’est la première étape : on rétablit l’unité entre le physique et la vie qui l’habite afin qu’il n’y ait rien pour les dissocier.
Pour bouger efficacement, il faut avoir une position correcte, c’est-à-dire pleine et entière et qui nécessite d’avoir conscience de son propre corps. Il ne s’agît pas d’asservir son corps à la volonté de l’esprit et encore moins à être esclave des désirs du corps. Respecter son corps est essentiel. Un corps maltraité sera en mauvaise santé, ne sera pas efficace et s’usera vite. Vous mourrez vite. Il s’agît d’être à l’écoute de chacune des fibres de notre corps, de répondre à ses besoins aux moments appropriés et ainsi permettre à celui-ci de ne faire qu’un avec notre volonté.
Un corps ainsi respecté sera en meilleur état et plus efficace, plus longtemps.
Ceci nous permettra d’agir avec des gestes mesurés, parfaitement ordonnés et contrôlés. Ce sont les premières étapes que franchissent les enfants. Ici elles sont développées de la même manière à un niveau plus élevé.
Préserver l’harmonie et l’ordre naturel des choses est une des composantes de l’Etiquette qui permet à chacun de s’épanouir sans que cela se fasse au détriment de l’autre.
Pour pouvoir agir correctement au sein du monde, il convient de connaître sa propre place au sein de celui-ci. Connaître la place qui nous revient n’est pas si simple. Il est nécessaire pour cela d’avoir un regard clair à la fois sur soi-même et sur les autres. Avoir la force de caractère nécessaire pour reconnaître sa propre place implique d’être sans concessions envers soi-même et c’est bien trop souvent à ce moment là que l’on échoue à se voir tel que l’on est, c’est-à-dire au début, car avant même d’avoir commencé, on n’a pas pu ouvrir les yeux. Si l’on échoue ici, il ne peut y avoir de progression, il n’y a pas de chemin.
Un regard clair et pénétrant qui permette de voir d’emblée le cœur des choses permet ensuite de connaître la place des autres dans le monde. C’est ici que se situe la seconde marche qui est encore trop souvent la dernière pour la plupart des gens. Comprendre, accepter et respecter la position d’autres personnes est encore loin d’être facile. Que cela soit avec des égaux, des jeunes ou des anciens, il convient de les respecter à juste titre et ni plus ni moins qu’il est nécessaire. Quand on ne peut avoir le courage de faire cela avec sincérité est tout aussi difficile que de reconnaître sa propre place. Les deux sont liés. Si l’on peut voir le chemin mais que l’on n’a pas la force de le regarder, on ne peut évidemment pas avancer.
Un tel regard ne se développe pas seul, c’est en développant une attention permanente au monde qui nous entoure et des êtres qui y évoluent qu’une sensibilité naturelle finit par naître et qu’un trouble dans l’harmonie ambiante finit d’abord par être évident puis insupportable.
D’élément sensible, on est amené à devenir acteur de cette harmonie car chaque action juste renforce et nourrit celle-ci de même qu’une action néfaste brise celle-ci. De même, on reconnaîtra les situations où il vaut mieux ne pas agir, car il ne s’agit pas de devenir étriqué ou intransigeant mais d’acquérir un comportement juste. Un regard clairvoyant permet la reconnaissance de la nature des choses, qui elle-même est la compréhension de celles-ci.
Il n’y a pas de secret, c’est un travail long et progressif, et à mesure que la sensibilité s’accroît, la compréhension se développe et l’attitude comme les réactions s’ajustent et s’affinent jusqu’à devenir appropriées en toutes circonstances. Au-delà, peut-être un jour parviendra-t-on à pouvoir être en harmonie totale avec tout ce qui nous entoure et devenir un élément positif de la nature.
2008