Entre équilibre et chute, l'expérience des anciens
Publié le 7 Février 2013
Ce week-end, j’ai fait du jardinage chez mes beaux-parents.
Profitant de l’hiver, il fallait tailler les branches avant que la sève ne remonte jusqu’à leurs extrémités. Rien de plus simple en effet, un peu d’exercice ne fait jamais de mal. Mais enfin, il fallait tout de même couper la cime du chêne.
Suivant l’exemple de mon beau-père, j’ai grimpé sur une triple échelle nous amenant à probablement 5 ou 6 mètres de haut, puis quelques branches plus haut, il a pris sa hache pour couper une branche épaisse comme mon bras. Inutile de dire que nous n’avions aucun baudrier. J’ai brièvement repensé à mon ami Brahim Si Guesmi, fan de Bobby Brown et qui est sorti presque indemne d’une chute de son toit à plus de 5 mètres de hauteur. Avec un sourire figé, je me souvins à peu près des mots que je lui ai dit quand il m’a raconté son histoire : « Mais t’es dingue ? Comment t’as pu faire pour tomber de ton toit ? ». Et puis j’ai commencé à couper moi aussi une branche large comme ma cuisse.
Il y avait du vent ce dimanche et il pleuvait presque, en tous cas, il ne faisait pas froid. La vue sur la vallée était belle et pour tout dire, j’ai trouvé extrêmement agréable de respirer cet air si frais. J’ai bien entendu un « oh mon dieu ! » venant de la maison et une porte se refermer, mais je me rassurais en me disant qu’atterrir sur l’herbe ne devrait pas être si pénible comparé aux pavés qu’avait du encaisser Brahim.
Je me souviens pourtant avoir escaladé des tas de choses à l’adolescence, des grues, des toits, des tours, des murs, souvent la nuit et parfois aussi sauté et couru très vite après. Mais enfin, à l’époque, il n’y avait que la joie de l’instant et le plaisir du défi réalisé entre potes. Ce dimanche, il y avait une vague inquiétude mais surtout une conscience certaine des dangers potentiels. Mais les souvenirs de hauteur me sont revenus après avoir terminé la première branche. Finalement, l’équilibre, c’est l’équilibre, en hauteur ou au sol, rien ne change si ce n’est l’intensité de la concentration. Il ne me manquait que la pratique. Et l’inquiétude a disparu pour faire place à d’autres sensations, le plaisir de la solitude, le contact physique avec la nature, la quiétude et le souvenir d’un après-midi paisible passé dans les hauteurs.
En descendant, pourtant, je me suis aperçu que j’avais des ampoules aux mains et que j’avais du mal à ouvrir les doigts pour lâcher le manche de la hache. Ces marques de travail dont j’aurais pu être fier il y a quelques années sont pour moi aujourd’hui le signe d’un travail incorrect. L’équilibre d’une hache n’est pas le même que celui d’un sabre… Après vérification, j’ai eu la satisfaction de sentir le reste de mon corps relâché mais j’avais tout de même les poignets tendus. On ne peut pas tout avoir.