Passages au tableau et passages de grade
Publié le 5 Mars 2009
Un élève d’Herblay m’a récemment posé une question au sujet des « passages au tableau » de fin de cours, quand à l’utilité cet exercice. C’est tout à fait le genre de question qui ne me vient pas à l’esprit mais une fois la réflexion posée, une réponse détaillée s’impose et une réflexion sur sa propre pratique n’est jamais inutile. C’est pourquoi je tiens à vous remercier, vous les élèves d’Herblay qui me remettez souvent sans vous en rendre compte des questions silencieuses lorsque je donne les cours et que je vous observe pratiquer.
En commençant à répondre, je me suis rapidement aperçu que cette question impliquait des aspects bien plus compliqués que cette simple interrogation ne pourrait le laisser supposer. D’abord, la façon d’appeler cet aspect d'un cours en dit déjà long quand à au ressenti à ce sujet de la plupart des pratiquants.
Effectivement, Léo faisait ce genre d'exercice et notre premier professeur Jacques Bardet aussi.
Je ne sais pas si beaucoup d'autres professeurs le font mais je sais que Brahim Si Guesmi le fait également.
Je ne sais pas pour quelles raisons ces autres professeurs font cette exercice car je n'en ai tout simplement jamais parlé avec qui que ce soit et je n'en ai jamais ressenti l'utilité, la nécessité de le faire s'étant tout naturellement faite jour.
Maintenant les intérêts de cet exercice sont multiples.
C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’écrire une réponse à tous ceux d’Herblay qui se posent la question, et aussi à celle qui est sous-entendue, au sujet des passages de grade.
Nous ne sommes pas à l'école et il n'y a pas de note.
Il n'y a que le travail de chacun et pour soi-même.
Il n'y a pas de jugement il n'y a que de l'observation.
Il peut y avoir des conseils ou des remontrances lorsque c'est nécessaire.
Il peut y avoir de multiples raisons à la pratique, propres à chacun d'entre nous.
Mais au bout du compte, il ne reste jamais que le travail que chacun aura fait par lui-même.
"Passer au tableau" me permet de voir précisément le travail d'une personne en particulier sur un thème donné, ce qui n'est pas aussi facile durant le reste du cours.
Ce n'est pas une révision mais c'est surtout un outil qui me permet d'observer la progression de cet élève et de lui donner des indications pour qu'il puisse corriger son travail ou alors orienter mes cours suivants s'il s'avère que certains points nécessitent d'être améliorés par tous.
Le côté démonstration diffère selon l'ego de chacun mais n'a simplement aucun intérêt dans ce cas, puisqu'il s'agit d’art martial et non pas de spectacle, de gym ou d'acrobatie.
C'est un exercice particulièrement utile pour ceux qui vont passer les grades puisque les élèves se retrouveront effectivement dans cette même situation lors d'un examen.
Mais c'est avant tout un exercice qui met le pratiquant dans la situation de passer devant tous ses camarades.
Il ne s'agît pas de se mesurer par rapport aux autres et aux autres de se mesurer par rapport à celui qui passe au milieu.
Chacun a sa place au Dojo et les niveaux sont aussi disparates que relatifs.
Qui sera supposé "bon en combat" sera peut-être aussi mauvais techniquement en Aikido et vice-versa.
Chacun saura intimement s'il est plus ou moins avancé que tel autre et c'est naturel.
Par contre, quiconque se sentira bon ou meilleur, ne sera probablement pas le plus avancé et ne sera que la victime de ses propres illusions.
Tant pis pour ceux-là.
Ici, nous sommes tous ensemble pour apprendre, et je le répète souvent, un bon travail n'est possible que si les deux partenaires travaillent ensemble.
Ce n'est pas une maxime religieuse ou spirituelle, c'est un simple état de fait technique et absolument concret.
Si l'on veut pousser la réflexion encore plus loin, l'élève du milieu se retrouve seul à présenter son travail devant les autres élèves et le professeur.
L'assistance est une pression supplémentaire qui ajoute encore au fait de se retrouver seul parmi la multitude, d'autant plus seul face à soi-même en réalité.
Le plus souvent un partenaire avancé qui lui sert de uke, permettant ainsi à tori d'exprimer sa technique du mieux possible.
Ajoutant encore au fait que l'élève se retrouve seul à seul avec son Aikido.
Présenter le fruit de son travail au jugement d'autrui nécessite simplement du courage.
Le courage de se présenter à nu, le courage de vivre sa technique telle qu'elle est réellement, de se montrer tel que l'on est soi-même en réalité, le courage d'accepter en conséquence que d'autres vous connaissent avec vos qualités et vos faiblesses, le courage de recevoir les indications qui peuvent être données, les remarques qui peuvent être faîtes et après, le courage de les appliquer.
Plus que tout, le courage de voir le regard qui nous est porté changer ou pas.
Le courage de s'accepter soi-même.
C'est peut-être élaboré mais c'est au fond, ce qui est.
A mon sens, l'Aikido est un travail qui nous permet de trouver plus de liberté.
Liberté physique et mentale.
Une liberté qui ne peut éventuellement s'acquérir que si l'on fait face à ses peurs et si l'on parvient à s'en libérer.
Heureusement, par un travail très concret, qui ne nous met pas directement face à nous-mêmes, il est possible de se libérer peu à peu indirectement de nos peurs.
L'Aikido est une possibilité, la méditation et le yoga également et d'autres disciplines sans aucun doute.
Mais l'Aikido est tellement plus plaisant...